Le chef, aussi à l’aise derrière les pianos d’un établissement étoilé que dans un bistrot, s’essaye désormais à la cuisine coréenne, avec l’ouverture de Mojju. Il revient pour nous sur la genèse du projet et sur la manière de proposer une expérience authentique en transmettant une culture issue d’un autre continent.
Comment est né le projet d’ouvrir un restaurant coréen ?
Le deuxième chef de Mensae, Jun-Sik Cho, était coréen et est resté trois ans en poste. Ensuite, il est devenu second chez Antoine, notre ancien restaurant étoilé. Il nous faisait des repas du personnel coréens. Je ne connaissais pas du tout la cuisine coréenne avant. J’ai découvert les nouilles sino-coréennes, les condiments qui vont avec le barbecue, les sauces, le bibimbap… Ça m’a intéressé et j’ai commencé à acheter des livres et à faire faire des essais à Jun-Sik Cho pour incorporer de petites touches dans certains plats… Après le confinement, j’ai profité qu’il rentre en Corée voir sa famille pour y aller aussi avec ma femme, amatrice de culture
coréenne. À Séoul, il nous a emmenés partout, goûter des choses et j’ai trouvé ça génial ! Tout se partage, les tables sont remplies d’assiettes. C’est là que j’ai commencé à mûrir ce projet.
Comment Mojju va-t-il trouver sa place à Paris ?
À Paris, il y a plein de restaurants de barbecue coréen, mais aucun ne m’a jamais transmis une émotion particulière ou ne m’a expliqué comment se mange le plat, avec une feuille de salade, un condiment. C’est ce qu’on veut apporter dans ce projet : proposer une cuisine coréenne authentique. On ne va pas faire une cuisine fusion, on veut vraiment faire découvrir cette culture au client et la lui expliquer.
À quoi va ressembler la carte ?
Il va y avoir un menu dégustation, avec plein de petites entrées pour découvrir plein de goûts, différentes viandes ou poisson grillés, que l’on mange avec des condiments variés, accompagnés de petites assiettes de légumes travaillés de multiples façons. Il n’y a que pour les desserts que nous allons jouer la carte de la fusion. Par exemple, la mousse au
chocolat sera accompagnée d’une glace au sésame noir, très utilisé en Corée et qui a un côté praliné ; il y aura un pot façon crème caramel, mais dont le lait aura été infusé avec des graines de sarrasin grillées et servi avec un caramel au soja ; une salade de fruits sur une panna cotta au lait de soja, avec un siphon au makkoli, un alcool coréen.
Comment être authentique quand on n’est soi-même pas issu de cette culture culinaire ?
Toute l’équipe est coréenne. On va chercher l’authenticité, y compris dans la vaisselle, la décoration que l’on a trouvées en Corée. Je ne veux surtout pas tomber dans la cuisine fusion. Le chef fait ses essais, je goûte et si c’est trop pimenté pour les palais français, on adapte. Je suis là pour orienter sur ce qui va plaire ou non. Et dans le service, les serveurs doivent être capables d’expliquer comment les plats se mangent, quel est le sens de dégustation des assiettes.
Pourriez-vous renouer avec la haute gastronomie que vous avez connue avec le restaurant Antoine ?
Non, pas pour l’instant. Je me concentre sur Mojju. À Paris, il y a assez de restaurants gastronomiques, avec une centaine de une-étoile, une quinzaine de deux-étoiles, une dizaine de trois-étoiles… Il faut sortir du lot, trouver une identité particulière. Ce qu’on fait chez Mensae, c’est du « gastro » : le soir, il y a un menu dégustation de la même qualité que chez un étoilé à un prix plus abordable.
» Propos recueillis
par Adeline Glibota