La cheffe nantaise revient avec une deuxième adresse, Freia, abritée dans une serre sur un toit végétalisé. Entre ambition gastronomique et contraste avec son environnement ultra-urbain, l’assiette fait la part belle au végétal et aux herbes aromatiques qui poussent autour du restaurant.
Comment votre nouvelle adresse, Freia, s’articule-t-elle avec Vacarme, votre premier restaurant ?
Freia est un projet très différent de Vacarme, qui est un bistrot de quartier. Je me sentais un peu à l’étroit dans une cuisine uniquement bistrotière. Chez Freia, on propose un menu en 8 temps, donc nous sommes moins limités dans la création.
Racontez-nous l’histoire de ce lieu…
À la base, la ville de Nantes voulait faire de ce lieu une ferme urbaine, mais ce n’était pas assez grand. La mairie voulait absolument y développer une offre de restauration. De mon côté, je cherchais une seconde adresse depuis deux ou trois ans. J’ai pris mon courage à deux mains pour contacter la ville, qui est connue pour ses lieux « à réinventer ». Quand on a visité ce lieu, ça a été une évidence : on a un paradoxe entre ville et nature, qui nous correspond complètement.
Vous avez travaillé sur chaque détail, avec des meubles de seconde main, notamment…
Nous avions envie de ne rien laisser au hasard. C’était important parce qu’en cuisine, on essaye d’avoir une démarche zéro déchet, donc nous avons eu envie de pousser la démarche jusqu’aux meubles. Cela nous semblait logique d’utiliser de la seconde main autant que possible, et nous avons fait une sélection avec Selency. Les serviettes sont faites en upcycling à base de draps et de nappes. Et Yulie, du Tour de la Terre, une céramiste nantaise, a fait toute la vaisselle, en partie avec de la terre locale.
Quelle est votre approche en cuisine dans ce nouvel établissement ?
L’idée était de garder une certaine rusticité, proche de l’esprit d’une auberge, réconfortante. Cela se ressent notamment dans le travail des pâtes, que ça soit dans les différents pains ou dans la tarte : ce sont des choses qui me sont chères. Je ne veux pas proposer quelque chose de trop travaillé, ni qu’on dénature le produit. Il faut qu’il soit bien visible dans l’assiette.
Dans l’assiette, vous poursuivez votre travail autour du végétal…
Ma cuisine est en effet ancrée dans le végétal mais je n’ai jamais voulu me fermer aux autres produits car je ne suis pas moi-même végétarienne. L’ancrage est avant tout celui de la saison. Au même titre que pour le végétal, il y a une saison pour les produits carnés, pour la crèmerie. Pour ce premier menu d’hiver, on a voulu mettre en avant le coquillage, car c’est sa plus belle saison, tout en travaillant une dominante végétale dans les assiettes.
Le végétal vous demande-t-il plus de travail que les produits carnés ?
Effectivement, le végétal demande toujours beaucoup plus de travail, et s’inscrit dans le temps long. Pour donner de la puissance à un végétal, il faut passer par des phases de lactofermentation, ou de torréfaction. Il faut ajouter plus de strates, qui vont lui donner de la puissance et en concentrer les goûts. On a également voulu faire un plat de viande, qui n’a pas les codes d’un plat de viande. On le sert avec un bouillon léger et non pas un jus corsé. Et pour la partie iodée, nous mettons en avant le coquillage car nous avons des produits magnifiques. À force de vouloir trop le travailler, on en perd parfois l’essence.
Quel va être le rôle des parterres qui entourent le restaurant, dans votre cuisine ?
Dans les parterres, nous n’avons pas suffisamment de place pour cultiver des légumes. Nous avons donc commencé à faire pousser essentiellement des herbes aromatiques. Nous sommes aussi partis du constat que, pour un maraîcher, cultiver des herbes aromatiques revient à prendre de la place sur des légumes qui seraient vendus plus chers. Donc ils n’en proposent pas beaucoup, et souvent des variétés très classiques. Ce qui m’intéresse, c’est l’aromatique à ses différents stades de culture et aux différentes saisons : les tiges, les feuilles, les fleurs. Nous avons déjà planté des capucines, du tagette, du sureau, un figuier pour ses feuilles, de l’armoise japonaise, de la cardamome, de la cannelle, de l’argousier, du gingembre et quelques petits fruits – myrtilles, groseilles à maquereau… L’idée est également de ne plus du tout utiliser d’épices venues d’ailleurs.
» Propos recueillis
par Adeline Glibota