Sur le gril : Philippe Mille Arbane – Reims (51)

Sur le gril : Philippe Mille Arbane – Reims (51)
photos ©Anne-Emmanuelle Thion

À Reims, Philippe Mille inaugurait début avril sa première table, Arbane. Petit-fils d’agriculteurs, ses grands-parents s’attelaient à travailler la terre, tandis que lui s’emploie à la sublimer. Sarthois de naissance mais « Champenois d’adoption », comme il aime à se décrire, l’ex-chef du Domaine Les Crayères délivre une expérience parfaitement ancrée dans son terroir.


Il s’agit de votre première aventure entrepreneuriale. Comment est née votre envie d’émancipation ?
Lorsque l’on naît cuisinier, on a naturellement envie d’ouvrir son propre restaurant un jour ou l’autre. J’ai toujours été très heureux dans ma carrière et l’occasion ne s’était jamais présentée. J’ai finalement été approché et l’on m’a proposé un lieu, une ancienne bâtisse édifiée en 1874, en plein cœur de Reims. Il me tenait à cœur de trouver un espace à mon image où je puisse m’exprimer pleinement. J’aime beaucoup l’art, l’artisanat et le travail sur le produit, choses que je m’efforce à retranscrire ici.


De quelle manière cela se traduit-il dans ce nouvel écrin ?
L’endroit était abandonné depuis 3 ans. Il accueillait autrefois une banque avant d’être transformé en restaurant. Six mois de travaux ont été nécessaires pour la rénovation complète. Nous utilisons d’ailleurs les anciens coffres-forts pour stocker les vins. Le lieu est agencé en deux espaces : le rez-de-chaussée à l’ambiance sobre et l’inspiration organique, notamment grâce au bois brun qui symbolise la terre, puis le salon des vignes à l’étage avec une décoration végétale et des tables en cuir de raisin, à l’image d’un pied de vigne. Je ne suis pas né dans la région mais je me considère comme un Champenois d’adoption, c’est pourquoi j’ai souhaité travailler avec des artisans et artistes locaux. L’atelier Simon-Marq, qui a réalisé les vitraux de la cathédrale de Reims, nous a par exemple livré une œuvre représentant un sarment de vigne avec plusieurs teintes de vert, incarnant les différents raisins et cépages de la Champagne.


L’arbane est justement un ancien cépage de champagne, pourquoi ce nom ?
Je voulais une référence originale au champagne. Cela m’a pris plusieurs semaines pour choisir un nom qui sonne bien tout en ayant un sens. Ce n’est pas toujours évident à trouver ! L’arbane est un cépage quasiment disparu, à l’image du lieu lorsque nous avons lancé le projet. J’aime aussi l’idée de rareté qu’il reflète, la Champagne ne représentant que 5% des cépages oubliés.


Quelle place occupera alors le champagne dans votre établissement ?
Tout est associé à la région et son patrimoine. Chaque table est décorée d’une feuille de vigne en céramique, comme si les clients avaient un pied dans le vignoble dès leur arrivée. Les trois menus débutent également par « L’Arbanothèque », mon interprétation des sept cépages de la Champagne, sous forme de pièces apéritives.


En quoi votre cuisine s’inscrit dans le terroir champenois ?
Outre l’importance accordée aux vins et champagnes, je souhaite proposer quelque chose qui me ressemble, au plus proche de mon amour pour la région. C’est en quelque sorte « la Champagne dans tous ses états ». Qu’il s’agisse des vignerons, maisons de champagne, producteurs ou artisans d’art ayant contribué à créer ce lieu et à le faire vivre, l’ensemble est intimement lié à ce terroir. C’est aussi la synthèse de toutes ces années passées dans la région. Les bases de ma cuisine restent les mêmes, avec une identité française, gourmande et axée sur le produit. Tout cela est bien entendu adapté au lieu, davantage contemporain que les Crayères.


Avec quelles ambitions abordez-vous cette nouvelle étape ?
J’ai effectué une grande partie de ma carrière au sein d’établissements étoilés, il me paraît donc naturel de poursuivre dans cette voie. Le lieu s’y prête totalement et ma cuisine s’affine chaque jour un peu plus. Poursuivre ma relation avec le Michelin mais aussi les différents guides fait évidemment partie de mes objectifs.


» Propos recueillis
par Titouan Thonier